26 février 1909 : présentation du projet devant le Conseil municipal, nomination d’une commission d’étude.
19 mars 1909 : présentation développée du projet. Adoption à l’unanimité par le Conseil municipal. Ce même jour, la Chambre de Commerce s’associe au projet.
1er mai 1909 : Mise en place par arrêté municipal du Comité d’initiative, chargé de l’organisation de la manifestation. Présidence : Eugène Mathon, secrétariat : Gilbert Sayet. Le commissariat général de l’Exposition sera assuré par M. Lami, « vétéran des expositions » selon G. Sayet.
1er mars 1910 : 1er coup de pioche.
24 avril 1910 : inauguration de l’Exposition de Bruxelles.
15 août 1910 : les principales nefs des Grands Palais sont couvertes.
20 avril 1911 : la ligue radicale et radicale-socialiste de Roubaix décide de faire la trêve aux luttes politiques pendant la durée de l’Exposition.
30 avril 1911 : ouverture officielle en présence du Ministre du Commerce et de l’Industrie Alfred Massé (jour qui voit aussi l’inauguration du nouvel hôtel de ville).
9 juillet 1911 : visite du Président de la République Armand Fallières.
10 septembre 2011 : journée dite « populaire » : diminution du prix d’entrée.
6 novembre 1911 : dernier jour. Feu d’artifices.
Nombre d’exposants : 3357 exposants français et étrangers, répartis pour les besoins du palmarès final en 15 groupes et 71 classes, selon leur secteur d’activité.
Superficie : de l’ordre de 45 hectares, au parc Barbieux et sur les terrains qui le bordent côté nord (terrains croisiens, comme d’ailleurs à cette époque une partie du parc Barbieux).
Nombre d’entrées : 1 702 977 (se décomposant entre entrées à un franc, entrées à cinquante centimes, entrées d’abonnés et d’exposants, entrées de service).
Nombre d’abonnements : plus de 13 000.
Dépense totale : 3 209 943 francs 11 centimes
Recette totale : 3 236 607 francs 25 centimes (mais avaient été comptés dans cette recette le capital fourni par le syndicat de garantie – 200 000 francs – et la subvention municipale de 350 000 francs) : l’opération est donc déficitaire.
Eclairage des avenues et du parc : 480 lampes à arc.
Illuminations : 70 000 lampes.
Accueil de 33 congrès, 18 visites officielles, 16 concours.
Le Comité d’initiative, organisateur de l’Exposition, consacre à la publicité un budget de 260 818 francs 25 centimes. Le secrétaire de ce comité écrit a posteriori : « […] le Comité d’Initiative […] organisa la propagande et la publicité, par la Presse, par les vignettes, les tracts, les cartes postales, et par l’affichage dans les gares, dans les hôtels, dans les cafés […] ».
Mais la tâche est ardue, car les Expositions ont alors le vent en poupe et se font concurrence : « [le Comité d’initiative] se buta souvent contre de mauvaises volontés […] : telles par exemple, la Compagnie de l’Est et le P.-L.-M., qui lui refusèrent de placer des pancartes-réclames dans leurs trains, alors que les Expositions étrangères de Turin et de Charleroi bénéficiaient de cette autorisation. » Il faut attirer l’attention ! La Croix de Roubaix-Tourcoing rapporte que fin 2010, l’administration de l’Exposition appelle les voyageurs de commerce roubaisiens à contrôler la pose des affiches de l’Expo dans les villes de France.
L’Exposition de 1911 semble affamée d’images. Ses organisateurs accueillent un Concours d’Art Photographique ; quant aux visiteurs, ils s’empressent d’acquérir des cartes postales représentant pavillons et attractions. Ils n’ont aucune difficulté à faire cette emplette : dans Le Nord illustré, on lit que « Dès l’entrée, vendeurs de guides et cartes postales assaillent le public qui presse le pas, attiré dès l’abord par les flons-flons sonores des orchestres qui dans toutes les directions sévissent ».
Les visiteurs peuvent aussi acquérir les cartes postales et albums-souvenirs de l’imprimeur Laffineur-Samin au stand de la carte postale. On reconnaît ces cartes à la mention en rouge « L. S., Hautmont ». Le rapport présenté au nom du jury de la classe 15 (Arts libéraux : typographie, lithographie, librairie, machines) fait état de l’attribution d’une médaille d’or à cet éditeur et précise que M. Laffineur, qui aura été le concessionnaire des cartes postales pour l’Exposition de Roubaix, a obtenu le même privilège pour la prochaine Exposition de Dunkerque.
L’inventaire des Archives municipales révèle que l’intérêt de la ville pour les expositions, loin de naître en 1911, date du milieu du XIXe siècle. De la publicité est faite localement pour les expositions d’autres villes ; des délégations sont envoyées, et on attend des délégués qu’ils remettent des rapports..
Pierre Lepers, « délégué de la Ville de Roubaix pour l’Ecole Nationale des Arts Industriels », remet ainsi à l’administration municipale un rapport « sur les industries du Blanchiment, de la Teinture, de l’Impression et des Apprêts, d’après des observations faites à l’Exposition Universelle de Paris en 1900 » (Archives municipales de Roubaix, F II b 12 bis, pièce 1). C’est un manuscrit soigné, enrichi de découpures (semble-t-il issues de prospectus distribués à l’époque) et de dessins. S’agit-il déjà d’espionnage industriel ? Non, puisque toutes les machines ont été observées, souvent en fonctionnement, dans les palais de l’Exposition. Ainsi P. Lepers dit-il en introduction qu’il veut décrire « ce qu’a fait pour l’Industrie de la Teinture, le génie de l’homme stimulé par l’émulation et la concurrence loyale ».
A l’époque de l’Exposition, nulle décision municipale, nulle cérémonie officielle sans allocutions, réponses à allocution, toasts… Les documents d’archives restituent nombre de ces discours immanquablement longs, souvent fleuris, parfois percutants, comme ceux d’Eugène Motte, alors maire de la ville.
Ainsi, celui-ci n’hésite pas, pour promouvoir l’Exposition, à se moquer gentiment des opposants, sans épargner sa propre épouse : « Lorsque s’accrédita la première rumeur, en notre ville, du vote de principe de l’Exposition […], quelques sceptiques, dont ma femme, effrayés du poids de l’œuvre à porter, des innombrables banquets, de l’absence de vacances et de repos dans l’herbe, masquaient leur désapprobation […] en s’exclamant : Une Exposition, on n’est pas plus province ! » (rapport de G. Sayet, p. 65).
L’éclatante prospérité affichée par l’Exposition, notamment pour l’industrie textile, ne doit pas occulter les difficultés et les reprises qui se succèdent pendant la décennie précédente. Ces récessions qui vont jusqu’au chômage forcé ont diverses causes : politique protectionniste générale qui diminue les exportations, concurrence, coût des matières premières…
En 1911, c’est la mode qui met à mal certains fronts de l’activité roubaisienne. La robe-fourreau, à jupe étroite et entravée, ne nécessite que 3 à 4 mètres de tissu contre 7 à 9 mètres auparavant ! De plus, elle ne comporte pas de doublure. Le rapporteur du jury de la Classe 28 A (industrie lainière.- matières, fils et tissus) le déplore : « c’est la mort sans phrase des pachas, orléans, […] dont Roubaix produisait jadis une quantité formidable ». Vraisemblablement partial, il ajoute : « espérons que le fourreau, qui accuse si indiscrètement et quelquefois si vilainement les formes, ne sera pas éternel […] ». Car la toilette doit envelopper les femmes « d’une grâce vaporeuse »… (rapport G. Sayet).
Le Rapport général de Gilbert Sayet fait état de certains efforts tarifaires envers les populations ouvrières. Peut-être le plaidoyer anonyme conservé aux Archives municipales a-t-il attendri le Comité d’Initiative ? L’auteur fait vibrer la corde sensible ; il évoque les « familles ouvrières nombreuses, qui monteront jusqu’en haut du boulevard de Paris mais ne pourront aller plus loin ; les petits diront - On va pas entrer ? - et la mère de répondre tristement - On n’a pas assez d’sous, papa a œuvré seulement trois jours cette semaine - ».
Mais le tarif réduit consenti ne s’applique que le soir, en semaine, alors que les palais et pavillons ont fermé leurs portes. Certes, le dernier jour de l’Exposition, l’entrée est libre. Un journaliste de L’Egalité de Roubaix-Tourcoing note cependant, goguenard : « en bons démocrates, les organisateurs avaient choisi un jour de travail pour empêcher les ouvriers de profiter de l’aubaine. Le dimanche, il y eut trop de populo et les messieurs à monocle n’aiment guère rencontrer le populo ».
Pour la caractérisation des styles architecturaux choisis pour les palais et pavillons, les sources de l’époque délaissent souvent la précision au profit de l’admiration. Gilbert Sayet, secrétaire du Comité d’Initiative, évoque à tout va « la renaissance flamande » et s’extasie devant les palais dont « les silhouettes hardies […] se découpent heureusement sur le ciel gris du Nord ».
On reconnaît cependant, selon les bâtisses : le style éclectique, qui puise à toutes les sources du passé ; le style régionaliste néo-flamand, qui reprend modes de construction traditionnels et matériaux locaux (brique et pierre blanche) ; le style néo-renaissance, qui s’exprime, comme au palais de la Chambre de Commerce, par des fenêtres à meneaux, des colonnades à arcades, des tourelles couronnées de flèches ; le style néo-baroque, très orné, dont relèvent le palais des Machines et celui des Industries Diverses : guirlandes de fleurs, frontons à volutes, obélisques et pinacles… Sans oublier les styles locaux repris par les pavillons de la section coloniale..
Sur l’avenue Jussieu, la Villa des Galeries Lilloises se démarque des autres constructions : formes géométriques, escalier à vis et plate-forme. Elle expose des ameublements pour habitation bourgeoise moderne : cuisine équipée, chambre d’enfants hygiénique, salle de bains.
Mais ce pavillon semble un moment victime de son succès : le 29 août 1911, le directeur commercial des « Grands Magasins des Galeries Lilloises » s’adresse par lettre au maire de Roubaix pour relater le mauvais comportement de huit ouvriers agricoles (sur les 2600 qui auraient été présents à l’Exposition le jour en cause) qui « voulaient sauter à pieds joints dans les lits et ont menacé […] notre gardien de lui faire un mauvais parti ». Et où étaient les gardiens de l’Exposition, quand une autre fois il aurait fallu défendre le pavillon contre « de véritables apaches » ? Ce document d’archives (F II b 15 A, pièce 319) prouve au moins que ce grand événement n’a pas été à l’abri des débordements, et atteste de la présence d’un public peu évoqué par la presse et les rapports officiels : les ouvriers.
Dû à l’initiative privée de quelques personnalités roubaisiennes, le pavillon de Chasse et Pêche est d’entrée très original : situé sous les arbres, la façade ornée de colombages… On se croirait en pleine forêt !
Devant la porte d’entrée, un réservoir d’eau est réservé à deux phoques pour le plus grand plaisir des plus jeunes. Les expositions intérieures sont consacrées à la pêche et à la chasse : aquariums avec différentes sortes de poissons d’horizons variés, engins de pêche, diorama d’animaux des plaines, bois, marais et bords de mers et accessoires de chasse.
Fondée en 1892, la Boulangerie économique L’Union figure à l’Exposition sous la forme d’un moulin hollandais.
L’Union y expose surtout son œuvre d’économie sociale, avec notamment une représentation des scènes heureuses ou malheureuses de la vie ouvrière dans lesquelles elle intervient : naissance, mariage, grève, maladie, pension de retraite et assurance décès. 17 000 ménages ont un compte ouvert à la Société L’Union et bénéficient ainsi de ce qu’elle met en place : bibliothèque populaire pour tous, construction de cités ouvrières et soutien à différentes œuvres. Des grands prix lui sont décernés ; elle est déclarée première des grandes boulangeries de France et sert de modèle à plusieurs installations du même genre.
Parmi les pavillons de la section coloniale, celui consacré à la Presse coloniale ne dépayse pas. Le président du Syndicat de la Presse coloniale, M. Paul Vivien, a souhaité qu’un pavillon soit consacré à ce sujet, et M. Charles Demogeot, directeur du Courrier de la presse, en a supervisé la réalisation.
Bien entendu, on y trouve tous les documents utiles aux coloniaux ou aux personnes s’intéressant aux colonies. Mais ce qui est le plus typique et le plus intéressant dans ce pavillon est la consultation permanente de la presse coloniale. Une fois la lecture terminée, le visiteur peut sortir du pavillon par les souks et admirer l’artisanat local, ou bien encore poursuivre par l’exposition des transports coloniaux (automobiles, motocyclettes, cycles, voitures).
A côté de l’industrie textile, la fabrication de la bière est l’une des autres grandes spécialités de la région. Il existe dans le Nord plus de 1300 brasseries qui fabriquent environ 8 millions d’hectolitres, soit 2 millions ½ de litres de bière par jour ! Les brasseurs de la région ont uniformisé leur fabrication tout en proposant différentes sortes de bières pour le plaisir de chacun : ainsi les dunkerquois l’aiment plutôt sucrée, les roubaisiens fortement houblonnée et les lillois plus forte. Parmi les brasseurs de la région, les plus connus sont la Grande Brasserie de Lille et la Grande brasserie de Beaurepaire Delcourt-Salambier, qui ont des stands de dégustation à l’Exposition.
En 1909, Félix Grimonprez fonde la Savonnerie de Jouvence à Lille sur un modèle très moderne, que ce soit la salle de saponification où cuisent les huiles et graisses, la salle du séchoir où le savon est passé au robot et où les copeaux sèchent dans des tiroirs, ou bien encore la salle des machines où ces copeaux sont mélangés avec de la couleur et des essences de fleurs avant d’être transformés en boulettes et de ressortir en longs rubans. Ce sont ces derniers qui deviennent, coupés par la boudineuse, des savons de forme égale sur lesquels la presse imprime la marque. L’un des salons de l’aile droite du Grand Palais est consacré aux produits chimiques utilisés dans l’industrie du savon.
C’est dans le quartier du Blanc-Seau à Tourcoing qu’est installée la Chocolaterie Lacroix, fondée par Paul Lacroix une quinzaine d’année auparavant et reprise par Carlos Lemahieu. Cette société fabrique du chocolat en tablettes mais s’est aussi spécialisée dans les articles chocolatés : bouchées, pralines, madeleines…faits de sucreries roulées dans un chocolat liquide faisant couverture. Les bonbons qu’il est à la mode de croquer en fin de repas sont eux aussi réputés : croquettes et langues de chat en chocolat, nougatines, bouchées fourrées de crème ou de liqueur, fondants aux différents goûts… Tout est là pour faire succomber à la gourmandise ! D’autres chocolatiers réputés comme Delespaul-Havez et Meunier sont présents à l’Exposition et permettent de déguster leurs spécialités sur place.
Le Conseil municipal de Roubaix décide de créer une promenade publique à l’emplacement du tracé initial du canal. En effet, ce dernier n’a pas pu passer sous la « montagne de Croix », en raison de difficultés techniques insurmontables. Une promenade publique est alors créée.
En 1863, le Conseil municipal retient le projet du paysagiste Barillet-Deschamps qui crée étangs, cascades et rivières pour rythmer le paysage vallonné par les travaux de creusement du canal : Barbieux prend alors la forme d’un jardin à l’anglaise. De 1878 à 1886, à partir des plans de Barillet-Deschamps, son collaborateur Georges Aumont complète le projet : un kiosque et deux serres sont ajoutés, la rivière est prolongée, un nouvel étang est creusé et six cascades en rocaille achèvent de donner au parc son allure actuelle. Le parc Barbieux devient le poumon vert de la ville, sur un espace de 34 hectares.
Les Archives municipales conservent plusieurs lettres d’exposants qui, plusieurs années après la fin de la Première Guerre Mondiale, écrivent au maire de Roubaix. Ces courriers présentent la même demande et les mêmes explications. Les entreprises et firmes ont été distinguées au palmarès de l’Exposition de 1911, les produits ou services qu’elles ont présentés ont reçu un prix, une médaille ou un diplôme. Les destructions de la guerre ont entraîné la disparation de cette distinction, et elles sollicitent un duplicata.
Les lettres révèlent que c’est parfois l’intégralité des archives d’une entreprise qui ont été détruites, ainsi pour la Société des Mines de Lens. La ville répond à l’un de ces courriers : elle propose au demandeur de faire état de la mention de récompense portée dans le second tome du Rapport général. Elle envoie également une copie du palmarès officiel. Ces correspondances témoignent indirectement de l’importance des destructions causées par la guerre 14-18 dans la région, et aussi du prix qu’accordaient les entreprises aux récompenses décernées par l’Exposition.